De Monet à Matisse: Peindre le Jardin Moderne, Royal Academy of Arts ★★★★★

Des nymphéas de Monet aux parterres de Klee: le printemps est arrivé en avance à la Royal Academy

Détail du tryptique des "agapanthes" de Monet © Saint Louis Art Museum, The Nelson-Atkins Museum of Art, and The Cleveland Museum of Art.
De Monet à Matisse, Royal Academy - La critique de Culture Whisper ★★★★★
L’univers du jardin a toujours été apprécié des artistes. “Il me faut surtout avoir des fleurs, toujours, toujours” disait Monet “Je dois peut-être aux fleurs d’avoir été peintre”

L’exposition de la Royal Academy De Monet à Matisse: Peindre le Jardin Moderne (en anglais From Monet to Matisse : Painting the Modern Garden) mettra la relation entre art et horticulture à l’honneur du 30 janvier au 20 avril. Couvrant la période des années 1860 à 1920, la rétrospective nous transporte du monde de l’impressionnisme jusqu'à l’Avant-Garde, en passant par le postimpressionnisme. La rédaction de Culture Whisper est sous le charme.

Au XIXème siècle des membres de la bourgeoisie sortent de leurs parloirs confinés pour prendre l’air. Le jardinage devient peu à peu le hobby par excellence de la classe moyenne émergeante. Le nombre de salons et d’expositions horticoles croît avec celui des pépinières; des espèces botaniques en provenance d’Amérique et d’Asie débarquent sur les rivages d’Europe, qu’il s’agisse de dahlias colossaux ou de chrysanthèmes grandes comme des assiettes.

L’art de l’époque, comme l’illustre si bien l’exposition de la Royal Academy of Arts, a vite fait de s’emparer de ces jardins bourgeois. Des centaines d’expérimentations artistiques s’offrent à nos yeux à mesure que l’on parcourt les salles de la Royal Academy of Arts. Pour les artistes exposés, les jardins d’alors étaient devenus des studios en plein-air, où il était possible d’essayer différents coups de pinceaux, palettes de couleurs et formes. Chaque tableau nous emporte dans un univers singulier – un effet qui, on espère, ne souffrira pas de l’arrivée des foules.




Monet peignant son jardin à Argenteuil, Renoir © Wadsworth Atheneum, Hartford, CT, USA

Il y a Le Bassin du Jas de Bouffan et ses eaux troubles, ainsi que la qualité lumineuse propre à la Jeune femme dans les fleurs de Manet. Le tableau Monet peignant son jardin à Argenteuil (voir ci-dessus) de Renoir nous révèle quant à lui son ami en train de peindre, comme tout impressionniste qui se respecte, des dahlias au grand air.

Il y a aussi les Avant-Gardens – dixit, pour les moins anglophones d’entre vous, un jeu de mots entre le mot jardin (‘garden’) et avant garde. Qui, mis à part Edvard Munch, aurait pu croquer Le Pommier du Jardin, ses courbes et son bleu profond? Le Jardin de Murnau n°2 est une ode aux prismes, mais aussi la première fois que Kandinsky se frotte au genre abstrait. Les parterres de Paul Klee sont, sur la toile, une mosaïque de couleurs chaudes et chatoyantes tandis que le Jardin du Cottage de Gustav Klimt tire le regard vers le haut dans une composition qui rappelle celle de ses femmes.

Enfin Monet, perçu par certains comme le plus grand peintre de la nature dans l’histoire de l’art, règne incontestablement sur les jardins ainsi que sur cette exposition. L’impressionniste français était à dire vrai tout autant jardinier que peintre. Quinze ans avant qu’il n’eût commencé à le peindre, il créa son propre jardin à Giverny et l’orna tour à tour de chrysanthèmes, d'iris et sans oublier, bien sûr, de nymphéas.

Les tableaux de son jardin sont l'une des vedettes manifestes de l’exposition. Entre ses premières expérimentations à Giverny dans les années 1890 et ses Grandes Décorations de 1914-26, le peintre aura consacré plus de 30 ans de sa vie à son parterre. La Royal Academy nous régale ici d’une excellente sélection: il faut voir les Nymphéas de 1899, où l’on est saisi depuis la galerie par le scintillement de l’eau et les feuillages sombres derrière le pont. Les diverses textures à orner la verdure charment presque autant le sens du toucher que celui de la vue.




Le Pont Japonais, Monet © Collection privée

Le Pont Japonais de 1896 (ci-dessus) est un tumulte de couleurs du printemps. On est surpris par une rive rose, un ciel et des troncs de couleur lilas et une verdure parfois néon. Monet parvient à empêcher que tant de couleurs ne tournent au chaos en accordant une place importante au reflet du pont dans l’eau. De la menace du désordre, on passe à la plénitude.

Les deux dernières salles de la galerie sont dédiées à l’œuvre tardive de Monet. Ces grands tableaux sont d’une beauté remarquable. On émerge tout juste de la surface de l’eau, suspendus entre le bleu tamisé et le lilas des fleurs. Ici, aucune ligne, rive ou horizon ne vient sauver le visiteur, qui se retrouve projeté hors du temps et de l’espace.

Ces œuvres ont été peintes lors d’une période de grande tristesse, à la fois personnelle (Monet venait de perdre sa deuxième femme) et collective (la première guerre mondiale battait son plein à travers l’Europe). Lorsque Monet peint ces nymphéas, il ne peint pas son jardin mais le phénomène du ressenti humain qui va bien au-delà des limites du contexte spatio-temporel.

Le peintre aura offert l’immense triptyque d’agapanthes de la dernière pièce à la nation française lors de la signature de l’armistice. Ce dernier travail est un monument à la paix. A regarder la lumière danser sur la surface cuivrée de la toile, on comprend bien pourquoi.


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What De Monet à Matisse: Peindre le Jardin Moderne, Royal Academy of Arts
Where Royal Academy, Burlington House, Piccadilly, London, W1J 0BD | MAP
Nearest tube Green Park (underground)
When 30 Jan 16 – 20 Apr 16, Du lundi au vendredi de 10h00 à 18h00. Ouverture jusqu'à 22h00 le vendredi
Price £17.60 au tarif normal; demander à la caisse pour des tarifs réduits
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